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Vincent Gautrais, « La couleur du consentement électronique », dans Cahiers de la propriété intellectuelle, Vol. 16, no. 1, 2003.

« Le contrat est la loi des parties »1. L’affirmation est commune et constitue un lieu commun un peu trop souvent avancé, péremptoirement, au gré de la doctrine. Un précepte courant faisant pourtant l’objet de controverse, d’un débat passionnant aussi. Ce dernier, dont l’essence porte sur la place du vouloir, de l’individu, comme fondement du contrat2, permet également de faire un lien, d’une part, avec l’opposition de plus en plus contestée entre formalisme et consensualisme3 et, d’autre part, avec l’encadrement grandissant auquel le droit des contrats est sujet. De plus en plus donc, le caractère public du contrat4 se fait sentir. Cet état de fait est, selon nous, d’autant plus important dès lors que l’on se situe dans un contexte électronique où un formalisme particulier devra combler la perte de matérialité que le papier offrait, naturellement, du fait de son caractère physique5 : aussi, dans le domaine contractuel, autant le support papier fait référence au concept « d’acte », autant le support électronique réfère davantage à celui de « processus »6. Sans rentrer dans la comparaison entrer papier et électronique, afin de savoir si le nouveau ressemble ou diffère à l’ancien – la question relevant au fait de savoir si la bouteille est à moitié pleine ou à moitié vide – il n’en demeure pas moins que des éléments de distinctions existent et qu’il est impossible de ne pas les considérer.
Aussi, face à ces différences, l’utilisateur final, qu’il soit consommateur ou adhérent, a besoin de savoir à quoi il s’engage; et même, simplement, de savoir s’il s’engage et où est-ce qu’il se situe dès lors qu’il est impliqué dans un processus contractuel. Si l’on prend des illustrations récentes qu’Internet offre, plusieurs histoires « cocasses » doivent pourtant être signalées : de l’acheteur d’eBay qui achète sans se rendre compte qu’il achète7, à celui qui achète un « Playstation » sans se rendre compte que c’est seulement la boîte qui est proposée à la vente8, en passant par les contrats électroniques qui diluent certaines clauses relatives au paiement dans le coeur du contrat, et ce, sans que la plupart des acheteurs ne s’en rendent compte9 et enfin des contrats de dizaines voire de centaines de pages qu’un contractant non-averti ne peut pas raisonnablement comprendre10. Sans aucun doute, ces illustrations constituent autant de preuve de la relative adolescence de l’encadrement juridique que l’on peut trouver sur Internet. Une immaturité qui d’ailleurs nuit tout autant au rédacteur commerçant du contrat électronique qu’à son destinataire, le consommateur-adhérent11, en créant une incertitude indue.
Aussi, le présent propos se veut volontairement concret : plutôt que d’évoquer la reconsidération théorique du contrat, ce sur quoi nous nous sommes déjà commis12, nous aimerions proposer un guide d’évaluation afin de s’assurer en premier lieu que le consentement électronique peut légalement et efficacement s’exprimer par le biais d’un document électronique (Partie 1). En effet, face à la tendance à admettre trop rapidement cette possibilité, qui existe effectivement et que nous ne chercherons pas à nier, nous développerons les solutions pour accentuer la réalisation du consentement dans un contexte électronique. En second lieu, il s’agira d’analyser la signature, forme particulière pour manifester ledit consentement, et de rechercher les éléments permettant de satisfaire au mieux les particularités propres aux nouveaux modes de communication (Partie 2). Dans cette seconde partie, il sera néanmoins nécessaire d’évaluer quelques concepts plus théoriques qui sont souvent imposés dans les lois et qu’il convient de nuancer, de critiquer aussi.
Quelques lignes donc qui cherchent à identifier les spécificités des technologies de l’information afin de s’assurer qu’elles puissent être en conjonction tant avec les principes théoriques du droit pluriséculaires qu’avec les nouvelles dispositions qui ont été récemment entérinées dans le droit positif. Qu’Internet que l’on cherche à encadrer, et notamment le « clic », soit conforme tant avec le juste que l’utile13, tant avec la pratique des affaires que les principes juridiques. Entre description et construction14.
Cet article veut donc évoquer les spécificités quant à l’expression, à la forme, de la manifestation de volonté d’un contrat électronique; nullement, ou alors très indirectement, à celles relatives au contenu de pareils contrats15. Le domaine est neuf, l’éclatement sectoriel des intervenants est consacré, le caractère international du domaine n’aide pas à l’harmonisation. Autant de raisons pour être en présence d’une matière en quête de maturité juridique et qui mérite assurément qu’on s’y arrête.
 

Ce contenu a été mis à jour le 11 décembre 2019 à 9 h 47 min.