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Vincent Gautrais, « La protection du « cyberconsommateur » selon le droit québécois », dans Vincent Gautrais (dir.), Le droit du commerce électronique, Montréal, Thémis, 2002, p. 261-302.

Et si le droit de la cyberconsommation n’existait pas? Et si l’incapacité juridique à réguler efficacement le nouvel espace de consommation que propose Internet est telle qu’il serait loisible de considérer que le « cyberconsommateur » dispose, en fait, de bien piètres outils, surtout lorsqu’on le compare à son homologue traditionnel?
Ces questions volontairement choquantes doivent pourtant rester à l’esprit de tout analyste soucieux, d’une part, de constater la « réalité vivante » et, d’autre part, de comparer cette dernière aux règles de droit positif. Or, il existe en bien des cas une discordance entre ce qui « doit » et ce qui « est » et il suffit de naviguer sur certains sites, souvent très respectables, pour constater l’hiatus entre le droit et les pratiques véritables.
Les raisons justifiant cet état de fait sont nombreuses : d’abord, les règles classiques du droit de la consommation ont été établies il y a souvent bien longtemps. Ensuite, il est en effet fort difficile de tenter de régir des relations qui presque par nature portent sur des montants qui sont en général de faible envergure. Or le droit coûte cher et l’approche trop souvent curative du droit de la consommation ne s’accorde que difficilement avec ce qui constituerait une bonne solution. Dans cette mouvance, il est judicieux de croire que la tendance du moment est de favoriser le contrôle a priori des entreprises plutôt que de croire à l’efficacité des méthodes a posteriori qui utilisent la voie judiciaire. Nul doute que la réalité cybernétique favorise cet exode du droit de la consommation vers le droit de la concurrence notamment[1]. Ceci pose problème dans la mesure où le droit de la concurrence n’est pas un droit qui bénéficie au Canada, de leviers efficaces et contraignants; surtout lorsqu’on le compare avec la situation européenne[2]. Enfin, et l’énumération aurait pu être encore plus longue, la composante internationale d’Internet n’est pas un facteur qui favorise l’effectivité du droit, certains contrevenants profitant des méandres cybernétiques pour se cacher : « pas vu, pas pris! ».
Aussi, et c’est ce que nous verrons dans les développements qui suivent, le traitement bilatéral, contractuel, des problèmes de « cyberconsommation », qui utilise comme nous le mentionnions le support des tribunaux, n’est pas pleinement efficace (Partie 1). Il était donc normal que des initiatives « communautaires » se mettent en place (Partie 2) avec, pourtant, et pour le moment, un succès que nous pouvons qualifier de modéré.
Le « cyberconsommateur » n’a donc pas lieu de se réjouir! Nous emprunterons volontairement une approche pessimiste et donc subjective. D’une part, parce que cela permettra de contrer la trop grande tendance à croire que tout va bien. D’autre part, parce que le droit est par nature science de la réaction et du contrôle et qu’il est de son objet de limiter les actions humaines et démesurément commerçantes. L’une des finalités essentielles du droit de la consommation qui s’applique sans doute aussi à celui de la « cyberconsommation ».


[1] Cédric MANARA, « Les consommateurs français face à quelques aspects du commerce électronique »,  [2002] Juriscom.net http://www.juriscom.net/uni/doc/20020125.pdf.
[2] Voir notamment dans ce même recueil, la très éloquente comparaison de Pierre-Emmanuel Moyse entre le droit de la concurrence en vigueur des deux côtés de l’Atlantique.
 
Partie 1 – L’encadrement contractuel du « cyberconsommateur »

1) La formation du contrat de consommation électronique

A) Les modalités contractuelles préalables à la formation du contrat

i)               Le devoir d’information

ii)             Le respect de la langue du consommateur

B) Les modalités de formation du contrat de consommation électronique

i)               La qualité de l’offre

ii)             La qualité de l’acceptation

2) Autres modalités d’encadrement du contrat de consommation électronique

A) L’exécution du contrat de « cyberconsommation »

i)               Les modalités de paiement du contrat de  « cyberconsommation »

ii)             Les modalités de livraison du contrat de  « cyberconsommation »

iii)            Légitimité et pertinence du droit de retour

B) Droit international privé et contrat de  « cyberconsommation »

i)               De la Loi de la protection du consommateur à l’article 3117 du Code civil du Québec

ii)             Le ciblage des « cyberconsommateurs »

Partie 2 – Les tentatives communautaires de protection du « cyberconsommateur »

1) De la panacée annoncée… à la crise de confiance

A) La kyrielle d’expériences

B) La confiance en doute

2) La quête de maturité juridique

A) Maturité organisationnelle

i)               Les processus de normalisation

ii)             Le contrôle des émetteurs de sceau

B) Maturité substantielle

Conclusion

Ce contenu a été mis à jour le 11 décembre 2019 à 9 h 48 min.