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Préface dans « L’authenticité dans le droit de la preuve civile québécois » de Me Raphaël Amabili-Rivet

Il y a un « je-ne-sais quoi » de délicieusement satisfaisant d’accompagner un étudiant qui vous contacte pour diriger son mémoire de maitrise. Sans sujet a priori, Raphaël Amabili-Rivet souhaitait envisager l’interaction droit et technologie; son choix s’arrêta avec bonheur sur « L’authenticité dans le droit de la preuve civile québécois » et parvint finalement à produire deux ans plus tard, en dépit de la pandémie, des affres de la vie, des obligations professionnelles, un travail d’une rare qualité. Car si diriger tient lieu en effet, comme évoqué, davantage de l’accompagnement, ce rôle de « directeur » donne la possibilité d’être témoin, au fur et à mesure de l’avancement de la rédaction, de la réalisation d’une œuvre complète, finie, finale. Parler d’œuvre d’ailleurs quand on traite de la notion d’authenticité est dans l’ordre naturel des choses; car au-delà de sa substance, irréprochable, exhaustive, brillante, un bon mémoire doit ressembler à son auteur.

Cette ressemblance se matérialise d’abord dans l’appétit de Me Raphaël Amabili-Rivet de bien camper sa recherche sur des bases historiques solides. Et conformément à l’adage si associé à la culture québécoise selon lequel pour savoir où aller, il importe de savoir d’où l’on vient, cet ouvrage dispense avec rigueur et science les bases juridiques et culturelles du droit de la preuve; bases que l’on doit forcément connaitre pour s’attaquer aux spécificités numériques, équivalence fonctionnelle oblige. Droit civil et common law sont donc envisagés, fort des acculturations mutuelles dont le Québec a été témoin, le regard sur l’hier étant assurément nécessaire pour appréhender demain.

Ensuite, concernant demain justement, c’est parce que Me Amabili-Rivet connait tant la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (ci-après LCCJTI) que les technologies elles-mêmes, qu’il a bien perçu l’importance de la notion d’authenticité. Alors que la LCCJTI a mis, sans doute à tort, une importance démesurée sur celle d’intégrité, l’auteur a souhaité centrer son analyse sur ce concept si central, dont la LCCJTI, malgré les apparences et une facture il est vrai troublante, n’a pas souhaité remettre en cause. L’auteur rappelle l’importance de la notion que certains ont pu croire mise en sourdine. Que nenni ! Elle demeure, plus que jamais, déterminante, le numérique ayant peut-être seulement accentué sa complexité. La polymorphie de ce qui est authentique est donc traitée en profondeur, selon toutes ses acceptions.

Encore, cet ouvrage, comme son auteur, met de l’avant qu’il n’y a de recherches juridiques sans application jurisprudentielle concrète. Et si, comme précédemment mentionné, il importe de prendre connaissance des prolégomènes historiques, philosophiques, théoriques parfois, qui scellent les fondements du droit de la preuve, cette élévation est ensuite instrumentalisée dans une analyse exhaustive des décisions de justice qui depuis bien avant 2001, bien avant la LCCJTI, usent et abusent de cette notion pluriséculaire.

Enfin, concernant la situation de la preuve civile québécoise, je crois que ce n’est pas un hasard que la meilleure analyse sur la notion d’authenticité que constitue cet ouvrage soit produite par un notaire. Ces derniers ont en effet, mieux que les avocats, appréhendés avec bonheur la nouvelle donne technologique. Du mémoire relatif à l’avant-projet précédant en 2000 la LCCJTI, à la toute récente Loi 23 visant à moderniser la profession notariale et à favoriser l’accès à la justice (octobre 2023), en passant par la pandémie qui a vu les actes notariés technologiques se généraliser, les notaires ont fait montre d’une ouverture à intégrer le « déjà demain ».

Au-delà de son contenu savant et d’une plume alerte qui aide à l’appréhension de la matière qui il est vrai dispose de son lot de technicités, le livre de Me Raphaël Amabili-Rivet bénéficie donc d’une touche personnelle; originale, au sens non juridique du terme. Comme le tréma de son prénom… « Être original, c’est faire comme tout le monde, mais ne pas y arriver! » disait le photographe Raymond Depardon. L’authenticité est donc non pas réinventée mais reconsidérée au regard du contexte numérique ambiant qui invite à reconsidérer des notions originant de temps où le support papier constituait le mètre-étalon.

En fin de compte, plutôt que de constater ces similitudes entre l’œuvre et son auteur, sur l’authenticité de cet ouvrage sur l’authenticité, je crois que la principale raison pour laquelle ce mémoire devait être publié tient au fait qu’il y a dans ce travail, sans forcément le vouloir, une véritable capacité de créer un lien entre généraliste du droit de la preuve et spécialiste des enjeux du numérique. Si le choix même de l’authenticité milite en ce sens, ce livre constitue donc une tentative de conciliation entre le vieux et le neuf du droit de la preuve sans laquelle il n’y a de salut possible.

Ce contenu a été mis à jour le 2 octobre 2024 à 9 h 31 min.