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Technologies et "trop plein" de droit

Il y a quelques semaines, Yves Boisvert produisait une chronique, avec l’élégance et la pertinence qui le caractérise, sur la démission de Gilles Ouimet. Au-delà de l’avis plein de réflexion, tranchant avec les réflexes émis sur les médias sociaux, c’est sur le processus législatif que j’aimerais m’appesantir. Gilles Ouimet le dénonce:

«C’est le système qui ne fonctionne pas. La période des questions, pur spectacle. Les ministres mènent leurs projets de loi sans débat. Les débats ont lieu à huis clos, dans le caucus des députés; mais on a fait des parlements pour débattre!»

Ouch! «Pur spectacle». «Sans débat». Sans appel. Et bien pourtant, ce constat, malheureux, est d’une incroyable banalité depuis de nombreuses années et constitue un lieu commun que l’on retrouve partout dans la doctrine juridique. Il y a en effet trop de lois, trop de spectacle, trop peu de débats.

Trop de lois

D’abord, c’est au point de vue quantitatif que le bâts blesse! Que ce soit en France (où un rapport du Conseil d’état (2006) avait décrié ce phénomène), en Angleterre (où l’auteur Chris Reed dénonce l’enflure législative (#904-905)), les lois se multiplient dans une proportion que la complexité de nos sociétés modernes ne peut justifier. Une véritable indigestion; se vérifiant dans tous les domaines.

Trop de spectacle

Ensuite, les lois demeurent trop souvent des outils de communications. Le professeur Atias avait eu cette phrase délicieuse selon laquelle

«l’idée de loi – l’idée que les phénomènes et les comportements obéissent à des lois – séduit. Parce qu’elle s’expose simplement et demeure en mémoire, parce que le nom d’un découvreur peut y être attaché, l’affirmation de la loi semble marquer une étape historique.»

Trop plein

Mais ce n’est pas tout, ce trop plein se vérifie à tous les étages de la production normative: les contrats ne cessent d’enfler et Facebook, pour prendre ce seul exemple, compte désormais sur un contrat plus long que la constitution américaine. Même chose avec la jurisprudence dont les décisions sont, au bonheur parfois mitigé des interprètes du droit, de plus en plus longues. Aussi, dans le cadre du RDCG, j’ai le bonheur de m’occuper d’un cycle de conférence qui évoque cette inflation normative.

Dans le cadre du Regroupement Droit Changements et Gouvernance (www.rdcg.org), un cycle de conférence annuel tente d’identifier une problématique actuelle ayant une incidence sur les fonctions contemporaines du droit. Durant cette année 2015/2016, nous tenterons d’envisager le phénomène d’explosion normative qui caractérise l’ensemble des sources juridiques primaires et secondaires. En effet, s’il est un fait qui suscite sans doute le plus de nostalgie de la part des juristes, c’est assurément ce temps « que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » où nul ne pouvait raisonnablement ignorer les lois, où la jurisprudence constituait une masse informative « finie », où les pratiques contractuelles valorisaient la parcimonie, où la doctrine se limitait à une poignées de revues savantes. Ce temps n’est plus : les lois sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus longues ; de surcroît, elles tendent régulièrement la main vers des normes techniques ou marchandes dont on reconnaît la juridicité. Dans la même direction, les tribunaux cherchent, souvent, à jouer un rôle didactique en explicitant leur décisions, parfois dans des documents de centaines de pages. Les contrats sont à l’occasion sanctionnés pour une « pollution » contractuelle source d’incompréhension. Contrairement à une idée trop largement répandue, en dépit de nos mondes en mutation que le droit cherche à encadrer, nous ne sommes nullement face à un état de « vide juridique » ; bien au contraire, c’est bien davantage un trop plein de références en tout genre qui constitue une source de changement quant au rigorisme inhérent du droit.
Ce phénomène inquiète ; évidemment, la crainte d’insécurité juridique est souvent invoquée. Également, cette situation pléthorique laisse parfois planer le doute de déshumaniser le processus juridique qui en perd ses repères. Cette évolution ne suscite en revanche pas uniquement des points de vues nostalgiques, plusieurs croyant au contraire que cette « oxygénation » du droit, plus en lien avec les sciences sociales, permet d’objectiver des situations de plus en plus complexes qui ont besoin de ces références multiples pour intégrer les changements en lien avec la globalisation des échanges, l’internationalisation du droit, l’intégration des technologies nouvelles.
Ce cycle de conférence 2015/2016 se propose d’envisager au regard de plusieurs sources juridiques (loi, jurisprudence, doctrine, contrat, etc.), d’une part, l’état de l’expansion du phénomène de normativité et, d’autre part, les effets sur la manière d’identifier le droit, de dire le droit, de le prédire aussi.

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Première intervention : Vincent Larivière

Mais commençons par le commencement: car il semble que ce phénomène ne soit pas limité au droit. Vincent Larivière, figure marquante des sciences de l’information et particulièrement des nouveaux modes de diffusion des résultats de recherche pour les chercheurs, s’interroge sur la tendance marquée vers l’explosion des communications savantes. Vincent nous fera le plaisir de sa présence pour commencer ce cycle de conférence ce mardi 27 octobre à 16h30 au salon François chevrette (faculté de droit de l’UdeM).

Cette année marque le 350ème anniversaire de la création des premières revues savantes, les Philosophical Transactions of the Royal Society of London et le Journal des Savants. Dès le début du 19èmesiècle, les revues sont devenues le mode de diffusion des connaissances le plus rapide et le plus efficace, surpassant la correspondance épistolaire et les monographies, avec lesquelles elle coexistait jusqu’alors. Les revues savantes ont consolidé leur position dominante au cours du 20ème siècle, particulièrement dans les domaines des sciences naturelles et médicales. L’ère numérique est venue transformer à la fois leur rôle traditionnel et leur forme. En effet, les technologies numériques, plus faciles à mettre à jour, à réutiliser, à accéder et à transmettre, ont transformé les modes de production et de diffusion des connaissances, ainsi que leurs modalités d’usage et de citation. Basé sur des données historiques et contemporaines, cette présentation discutera des transformations passées et présentes de la communication savante, en mettant l’emphase sur la vitesse de diffusion des connaissances. Alors qu’il est un lieu commun d’affirmer que la connaissance d’aujourd’hui est produite—et oubliée—plus rapidement qu’auparavant, la réalité est beaucoup plus complexe, et plus intéressante!
 Assurément, une activité à ne pas manquer!

 

Ce contenu a été mis à jour le 22 octobre 2015 à 12 h 48 min.

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