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LCCJTI.CA: mise en jachère

Retrait du site www.lccjti.ca. Depuis la fin du mois de juin, nous avons décidé de mettre en retrait le site lccjti.ca. Ce site qui disposait pourtant d’un nombre de visites assez enthousiasmant, méritait en effet d’être quelque peu mis à jour, peu de changements significatifs n’ayant été effectués les dernières années. Or, même si la LCCJTI n’a pas été mise à jour, ni le CCQ sur les questions de preuve technologique, il y a eu tout de même une évolution jurisprudentielle assez nette, sans oublier les changements apportés récemment avec la Loi sur le Notariat dont il aurait fallu forcément évoquer. Un site web, c’est comme un pot de yogourt, il y a une date de péremption. Après, en dépit de ces irritants, nous nous satisfaisions de ce site imparfait. Aussi, la raison du retrait est ailleurs: nous avons en effet été convié par le Ministère de l’emploi et de la solidarité sociale à payer une redevance pour reproduction de lois provinciales qui comme tout autre création de l’esprit sont sujettes à droit d’auteur. Bien entendu, nous étions au fait des droits d’auteur de la Couronne; sans doute «éblouit»  par le fait que le fédéral dispose d’une politique d’utilisation des lois permissive à cet égard (nous y reviendrons!), nous avons été en contravention avec la LDA plusieurs années. De ces contraventions que l’on tolère, par facilité. Une tolérance d’autant plus grande que le site était, j’ose croire, d’utilité publique, initialement financé par le Ministère de la Justice et assurément sans but commercial. J’ajouterais que la somme n’était pas pharaonique (quelques centaines de dollars), le prix fluctuant au gré des communications, dépendant du nombre de lois utilisées en l’occurrence ici, de la LCCJTI, du CCQ, du CPC. Vous l’aurez compris, cette décision en est une de principe: il est difficile de faire la promotion du droit et d’être limité dans son utilisation par une règle dont nous ne comprenons pas la mise en application. Une estocade donc qui font que les droits d’auteur de la Couronne posent des difficultés lorsqu’ils sont confrontés à des principes d’un meilleur accès au droit.

A quoi sert le droit d’auteur?  Car cela nous amène à réfléchir sur les fonctions du droit d’auteur. En premier lieu, l’idée de favoriser la création est ici difficilement présente. Les quelques argents ainsi obtenus n’ont aucune incidence sur la création – ou non – de lois. En second lieu, il est difficile de considérer le droit d’auteur et particulièrement la protection des auteurs isolément; régulièrement la Cour suprême a déjà eu à la mettre en perspective avec ceux des utilisateurs et aussi du public.

Situation au fédéral. Cette situation est d’autant plus dommageable, nous le disions plus tôt, que le fédéral dispose d’une politique d’utilisation des lois par le biais d’un décret de 1997 qui prévoit ce qui suit:

Toute personne peut, sans frais ni demande d’autorisation, reproduire les textes législatifs fédéraux, ainsi que leur codification, et les dispositifs et motifs des décisions des tribunaux judiciaires et administratifs de constitution fédérale, pourvu que soient prises les précautions voulues pour que les reproductions soient exactes et ne soient pas présentées comme version officielle.

Au-delà de cette autorisation, il me semble important de citer les justifications autour d’une telle tolérance.

Attendu que, pour une société démocratique, il est d’une importance fondamentale que les textes constituant son droit soient largement diffusés et que ses citoyens y aient libre accès;

Attendu que le gouvernement du Canada souhaite faciliter l’accès à la législation fédérale et aux décisions des tribunaux de constitution fédérale en autorisant leur reproduction sans frais ni permission,

À ces causes, sur recommandation de la ministre du Patrimoine canadien, du ministre de l’Industrie, du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, du ministre de la Justice et du Conseil du Trésor, Son Excellence le Gouverneur général en conseil prend le Décret sur la reproduction de la législation fédérale et des décisions des tribunaux de constitution fédérale, ci-après. (la mise en exergue est la nôtre)

«Pour une société démocratique»… Ce principe séminal de notre état de droit a été quelque peu escamoté dans cette application de la règle. Ceci est d’autant plus important que le droit se complexifie, se densifie. Il y a donc un vrai besoin de rendre celui-ci plus accessible; plus lisible. Notons que nous avons accepté de payer la redevance du Ministère de l’emploi et de la solidarité sociale pour le site lpc.quebec dans la mesure où les statistiques dont nous disposons sont encore plus élogieuses. Également, dans ce cas, les usagers sont de surcroît, possiblement des consommateurs se représentant eux-mêmes et qui viennent chercher sur ce site des illustrations que la jurisprudence propose sur les corrections que le droit est susceptible d’apporter. Après, il est étonnant de constater comme le retrait de lccjti.ca a donné lieu à des courriels d’interrogation de la part de plusieurs usagers: souvent des juristes, des archivistes, des membres d’ordres professionnels. Cette mise en retrait est donc un cri du coeur d’autant plus important que l’on met trop souvent à mal l’accessibilité des règles alors que l’on se drape dans le principe que nul n’est censé ignorer la loi. Un autre dossier illustrant cette dérive est notamment le recours trop systématique aux standards techniques qui sont le plus souvent payants.
Jachère. Après, cette mise en retrait est espérons-le temporaire. Selon Wikipedia, la jachère est l’ensemble de «pratiques culturales de printemps et d’été des terres arables préparant l’ensemencement d’une céréale d’automne.» C’est donc une décision de printemps qui donnera lieu, espérons-le, à un automne plus «accessible».

Ce contenu a été mis à jour le 2 octobre 2024 à 9 h 31 min.

Commentaires

2 commentaires pour “LCCJTI.CA: mise en jachère”

Edouard Onana

17 juillet 2024 à 23 h 43 min

C’est bien dommage. Le gouvernement devrait plutôt financer de tels sites…!

Paul Tréhin

14 septembre 2024 à 10 h 32 min

la notion de neutralité technologique se rapporte aussi à la construction de modèles économique : en faisant l’hypothède de la neutralité technoloqgique la construction de modèles économiques se trouve largement simplifiée car l’évolution technologique est vraiment très difficile à prévoir par ailleurs de nombreux économistes ont du mal à suivre l’évolution technologique et à l’intégrer dans leurs modèles

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